Conseil d’Etat – Marché public – Dialogue compétitif

Le Conseil d’Etat revient sur l’appréciation in concreto des conditions de recours à la procédure de dialogue compétitif et précise dans quelle mesure le recours illégal à cette procédre est susceptible d’avoir lésé ou risque de léser le concurrent évincé, requérant à la procédure de référé précontractuel.

Au terme de l’ancien article 36 du Code des marchés publics applicable dans cette espèce, le recours à la procédure de dialogue compétitif n’était possible que lorsqu’un marché public était considéré comme complexe c’est-à-dire lorsque l’une au moins des conditions suivantes est remplie :

  • soit lorsque le pouvoir adjudicateur n’était pas objectivement pas en mesure de définir seul et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins
  • soit lorsqu’il n’était objectivement pas en mesure d’établir le montage juridique ou financier d’un projet

En l’espèce, l’établissement public Météo-Franc avait eu recours à cette procédure de dialogue compétitif pour la conclusion d’un marché de fourniture d’une capacité d’observation du vent par Lidar Doppler pour l’aéroport de Nice Côte d’Azur. S’agissant de la condition tenant à la complexité technique, le Conseil d’Etat a jugé qu’ayant identifié la technologie la plus appropriéé à ses besoins (la technologie Lidar Doppler), Météo-France ne démontrait pas en quoi il serait nécessaire d’obtenir des sociétés présentes sur le marché le développement spécifique de techniques. Quant à la condition relative à l’incapacité objectif d’établir le montage juridique ou financier du projet, le Conseil d’Etat a retenu que  » la seule indétermination du choix entre un achat de l’appareil, une location de l’appareil avec option d’achat ou l’achat de données, qui ne constituent pas des montages juridiques et financiers complexes, ne révélait pas, à elle seule, l’incapacité objective du pouvoir adjudicateur d’établir le montage juridique ou financier du projet  »

On peut s’interroger sur le sort qui aurait été reservé à cette procédure si elle avait été soumise aux nouvelles dispositions relatives aux conditions de recours à la procédure de dialogue compétitif issues de l’article 25 du Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Cet article couve en effet davantage d’hypothèses et permet notamment le recours à la procédure de dialogue compétitif « lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles« .

Le deuxième apport de cet arrêt concerne l’appréciation de l’intérêt lésé. Le Conseil d’Etat a considéré que le fait pour requérant d’avoir participé à la procédure jusqu’à son terme ne faisait pas obstable à la démonstration d’un intérêt lésé :

« Considérant, enfin, qu’il appartient au juge des référés, saisi en vertu des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice, de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ; qu’ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le recours illégal par Météo-France à la procédure de dialogue compétitif était susceptible d’avoir lésé la société requérante, bien qu’elle ait participé à la procédure jusqu’à son terme, dès lors que l’établissement public avait effectivement dialogué avec les candidats sélectionnés à propos de l’identification et de la définition des moyens propres à satisfaire au mieux ses besoins et qu’il n’établissait pas qu’il aurait été à même de le faire dans les mêmes conditions s’il avait recouru à un appel d’offres »

CE, 18 décembre 2017, n°413527