L’achat d’œuvres d’art par les personnes publiques

L’achat public d’œuvres d’art est, dans certains cas une obligation. Hormis cette obligation sur laquelle nous revenons ici, la puissance publique a toujours pratiqué cette forme d’engagement culturel qui répond à des règles précises que gestionnaires comme artistes ne peuvent ignorer.

  1. OBLIGATION LEGALE : LE 1% ARTISTIQUE SOUTIENT LA CREATION CONTEMPORAINE

En France, depuis maintenant 65 ans, existe une obligation légale de décoration des constructions publiques appelée également le « 1% artistique ». Mis en place pour soutenir la création contemporaine et sensibiliser le public, ce dispositif est encadré par une procédure spécifique d’achat.

1% du coût des opérations immobilières de construction ou extension de bâtiments publics ou de réhabilitation dans le cas d’un changement d’affectation de ces bâtiments doit être consacré à l’achat ou la commande d’une ou plusieurs réalisations artistiques destinées à être intégrées à l’ouvrage.

Aujourd’hui cette obligation figure dans un décret de 2002 [1] pour l’Etat et ses établissements publics  administratifs, et à l’article L.1616-1 du code général des collectivités territoriales pour les communes, les départements, et les régions. Une circulaire de 2006 a apporté des précisions sur sa mise en œuvre.

Les opérations visées

Les seuls bâtiments dérogeant à cette obligation sont listés dans un arrêté [2] et recouvrent ceux liés aux manœuvres ou activités militaires, les bâtiments techniques ou industriels, les centres de rétention administrative ou encore les lieux de mémoire. Il existe également une spécificité pour les établissements de santé.

Les œuvres

Les réalisations artistiques doivent être des œuvres plastiques ou graphiques (dessin, peinture, architecture, sculpture, gravure, lithographie, œuvre graphique et typographique, photographie,  art appliqué). Le décret ajoute les œuvres utilisant des nouvelles technologies et les œuvres «faisant appel à d’autres interventions ».

S’agissant du mobilier par exemple seules les créations artistiques originales entrent dans le champ d’application du décret, qu’elles soient réalisées à l’issue d’une commande via le « 1 % » ou vendues par un intermédiaire, tel qu’un fabricant de meubles.

En revanche, les œuvres éphémères sont déconseillées, le ministère de la culture incitant les responsables publiques à faire coïncider la durée de l’œuvre choisie et celle de la construction considérée.

Tous les artistes engagés dans une démarche professionnelle sont éligibles, qu’ils soient français ou étrangers, à la condition qu’ils respectent les obligations en vigueur en matière sociale et fiscale.

Aucune sanction…

Aucune sanction n’est prévue par le décret en cas de non-respect de cette obligation d’achat d’œuvres, et un amendement présenté en mai 2016 pour la rendre contraignante a été rejeté, de nombreuses collectivités territoriales faisant état de difficultés financières pour mettre en œuvre ce 1% artistique.

… mais des règles de procédure à respecter

La commande des réalisations artistiques dans ce cadre du 1% doit suivre une procédure particulière énoncée par le décret sous peine cette fois-ci des sanctions habituelles liées à toute règle de commande publique.

Lorsque le 1% correspond à un montant inférieur à 30 000 € HT, l’entité publique peut soit choisir une ou des œuvres existantes, après avoir seulement recueilli l’avis du maître d’œuvre, de l’utilisateur de l’ouvrage et du directeur régional des affaires culturelles, soit commander une ou des œuvres en respectant la procédure énoncée par le décret :

  • constitution d’un comité artistique comprenant le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, le directeur régional des affaires culturelles, un représentant des utilisateurs du bâtiment et trois personnalités qualifiées dans le domaine des arts plastiques.
  • Ce comité artistique établira le programme de la commande artistique (nature, emplacement…)
  • et une publication de ce programme devra permettre une information suffisante des artistes, et indiquer le nombre d’artistes consultés.

Le choix du maître de l’ouvrage qui devra être motivé et faire l’objet d’une publicité, pourra être soumis au contrôle du juge dans le cadre des recours habituels de la commande publique (référé précontractuel, référé contractuel …).

Lorsque le 1% correspond à un montant supérieur à 30 000 € HT, l’entité publique doit respecter la procédure énoncée par le décret rappelé ci-dessus.

Le ministère de la culture et de la communication offre une plateforme pour l’information des artistes : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Aides-demarches/Dispositifs-specifiques/Le-1-artistique/Consulter-les-appels-a-candidature

  1. DANS TOUS LES CAS UN ENGAGEMENT QUI DOIT RESPECTER CERTAINES REGLES

En dehors du 1% artistique, évidemment les entités publiques peuvent acheter des œuvres.

Avant le 1er avril 2016, date d’entrée en vigueur du nouveau régime des marchés publics, les marchés ayant pour objet l’achat d’œuvres et d’objets d’art existants, d’objets d’antiquité ou d’objets de collection étaient exclus de l’application du code des marchés publics et de l’ordonnance du 6 juin 2005.

Cette dérogation a été supprimée.

Aujourd’hui si l’entité publique peut démontrer que l’artiste choisi est le seul à pouvoir répondre à ses besoins pour des raisons artistiques, la commande d’une œuvre ou l’achat d’une œuvre existante ne sera soumis à aucune obligation de publicité et de mise en concurrence (article 30 I 3° du décret du 25 mars 2016).

Attention, cette justification sera interprétée strictement. Ainsi par exemple, sous l’empire des anciens textes, la commande d’une fontaine monumentale n’a pas été considérée comme entrant dans cette exception. Même si son caractère original, exigeait de la part des constructeurs des compétences particulières et un talent artistique, il n’était pas démontré que le tailleur de pierre choisi était le seul à pouvoir réaliser cette sculpture.

En dehors du cas où l’artiste est le seul à pouvoir répondre aux besoins de la personne publique, si le montant de l’achat envisagé est inférieur à 25 000€ HT, l’acheteur a pour seules obligations de choisir une offre pertinente, de faire une bonne utilisation des deniers publics et de ne pas contracter systématiquement avec le même fournisseur lorsqu’il y a plusieurs offres susceptibles de répondre à son besoin.

En revanche si le montant est supérieur à 25 000€, l’acheteur devra suivre les procédures prévues par l’ordonnance et le décret de 2016, procédures plus ou moins contraignantes selon le montant envisagé.

Levier du développement économique, la commande publique peut également l’être pour le développement culturel et offrir des opportunités aux artistes.

La plateforme du ministère de la culture et de la communication centralise les appels à candidature http://www.culturecommunication.gouv.fr/Aides-demarches/Dispositifs-specifiques/Le-1-artistique/Consulter-les-appels-a-candidature

 

[1] Décret n°2002-677 du 29 avril 2002 relatif à l’obligation de décoration des constructions publiques et précisant les conditions de passation des marchés ayant pour objet de satisfaire à cette obligation

[2] Arrêté du 22 mars 2005 pris en application de l’article 1er du décret n°2002-677