Conseil d’Etat – Marché public – Clause d’interprétariat

Une clause d’interprétariat imposée aux titulaires d’un marché public présente un lien suffisant avec l’objet du marché qui concernait des travaux public.

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur les conditions d’application de l’article de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui permet d’intégrer dans les marchés publics des clauses dites sociales ou d’insertion à condition qu’elles soient en lien avec l’objet du marché.

Cet article dispose en effet que : « Les conditions d’exécution d’un marché public peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, à condition qu’elles soient liées à l’objet du marché public. Elles peuvent aussi prendre en compte la politique menée par l’entreprise en matière de lutte contre les discriminations. / Sont réputées liées à l’objet du marché public les conditions d’exécution qui se rapportent aux travaux, fournitures ou services à fournir en application du marché public, à quelque égard que ce soit et à n’importe quel stade de leur cycle de vie, y compris les facteurs intervenant dans le processus spécifique de production, de fourniture ou de commercialisation de ces travaux, fournitures ou services ou un processus spécifique lié à un autre stade de leur cycle de vie, même lorsque ces facteurs ne ressortent pas des qualités intrinsèques de ces travaux, fournitures ou services (…) »

Dans cette espèce, le pouvoir adjudicateur (la Région Pays de la Loire) avait inséré dans le CCAP des clauses d’interprétariat visant à permettre au maître d’ouvrage de recourir à un interprète aux frais du titulaire pour s’assurer que les personnels présents sur le chantier et ne maîtrisant pas suffisamment la langue française comprennent effectivement le socle minimal de normes sociales et pour former ces mêmes personnels en matière de prévention dans le domaine de la sécurité et de la santé.

Le Préfet avait saisi le Tribunal administratif de Nantes d’un référé précontactuel tendant à l’annulation de la procédure sur le fondement d’une restriction à l’exercice effectifs des libertés fondamentales garanties par le Traité.

En effet, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat « une mesure nationale qui restreint l’exercice des libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne peut être admise qu’à la condition qu’elle poursuive un objectif d’intérêt général, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de celui-ci et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu’il suit de là que, lorsqu’elles sont susceptibles de restreindre l’exercice effectif des libertés fondamentales garanties par ce traité, les exigences particulières imposées par le pouvoir adjudicateur doivent remplir les conditions qui viennent d’être rappelées ; qu’à défaut, le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, constate le manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence »

En l’espèce néanmoins, le Conseil d’Etat a estimé d’une part que la clause présentait un lien suffisant avec l’objet du marché de travaux publics litigieux et d’autre part qu’elle s’appliquait indistinctement à toute entreprise quelle que soit sa nationalité, n’était pas discriminatoire ni ne constituait une entrave à la libre circulation de sorte qu’elle n’était pas susceptible, par ses effets, de restreindre l’exercice effectif d’une liberté fondamentale garantie par le droit de l’Union.

CE, 4 décembre 2017, n°413366